• Des Problèmes sur la ligne 5

    (Le Taxi Collectif)

     

    Ce matin, j'ai voulu montrer à une amie (et collègue) le trajet que je fais tous les jours pour aller de mon domicile à mon travail. Mais j'avais oublié que nous n'étions plus vraiment dans le même monde. D'ailleurs je ne sais toujours pas comment cela se fait qu'elle était ici avec moi, je n'ai pas pensé à lui demander car cela me paraissait naturel, mais maintenant que j'y pense cela ne l'était absolument pas, mais bon, je me perds, ce n'est pas là où je voulais en venir. Ce que j'avais omis de préciser quand j'ai accepté de lui faire faire le trajet, c'était que depuis une semaine environ il n'y avait plus de métro 5. Enfin plus de métro tel qu'on le connaît : il y avait toujours l'heure de pointe, les gens qui attendent, qui se bousculent, mais plus de rame de train pour les accueillir. Maintenant, et jusqu'à la réparation et rénovation des anciennes rames, les stations seront desservies en VOITURE. Une voiture de quatre places avec un chauffeur mais dans laquelle on arrive à entasser tout un wagon de personnes pressées d'aller au travail.

    Déjà qu'avant, quand on avait encore nos bons vieux trains, je galérais pour trouver une place assise à l'heure de pointe, et ça, ça me faisait tellement chier putain, je m'empressais dès que le train arrivait pour pousser tout le monde comme une brute afin de m'ouvrir le chemin jusqu'à une place. C'est toujours une vraie guerre pour les places assises, rien à battre des vieux, des femmes enceintes, des handicapés, des blessés de guerre et des enfants, on est des travailleurs merde, on a morflé aujourd'hui, on mérite bien de poser notre cul deux secondes pour souffler. Alors imaginez la même scène pour monter dans une voiture. On est aussi nombreux, on est aussi pressés, on la veut notre foutue place assise, en plus c'est pas très agréable d'être debout, le dos courbé, dans une bagnole. Mais ça ma collègue ne le comprenait pas, faut dire qu'elle habite à dix minutes du travail, l'heure de pointe, le métro-boulot-dodo, tout ça elle ne connaît pas. Elle n'a pas une âme de guerrière, elle n'a pas compris quand elle m'a vu envoyer tout le monde valser pour me frayer un chemin entre les voyageurs, elle n'a pas compris non plus quand je me suis précipitée pour ouvrir en premier la portière, avec encore plus de fougue que lorsque je prenais un vrai métro, et cette conne a tellement rien compris qu'à cause d'elle j'ai failli ne pas l'avoir cette place. J'ai dû lui gueuler super nerveusement « mais dépêche-toi putaaaain, si on veut avoir une place !! ». Je déteste quand les gens ne coopèrent pas, dans une situation d'urgence comme celle-là. D'accord, je veux bien concevoir que ce n'est qu'une station, mais une station de cinq longues minutes bordel, faut faire quelque chose. Cinq minutes debout dans une voiture sur des rails c'est ça qui n'est pas concevable.

    Oui, parce que figurez vous que bien qu'on change de moyen de transport pendant les travaux, on ne change pas d'itinéraire, on reste sur les rails. On passe dans les sombres tunnels en taxi-voiture, et ça tangue, et ça bouge, et on a peur pour notre vie.

    Quand on est enfin sorties de cette satanée voiture, mon amie semblait bouleversée, comme si on venait de faire quelque chose de tout à fait incroyable. Elle m'a dit « Je vois, c'est comme ça que tu viens tous les jours au travail ». J'avais envie de lui dire que premièrement, non parce que j'ai encore quatre autres changement à faire après cette ligne, et deuxièmement, non parce que d'habitude il y a un vrai métro. Là, ça ne fait qu'une semaine qu'on se tape la voiture. Mais jamais elle ne me croira, alors je ne lui ai pas dit.

     Février 2015

     

    Premier secours

    (le mafioso)

     

    Un jour, alors que je me promenais dans la rue, j'ai vu un homme étalé sur le sol au beau milieu du trottoir. Les gens circulaient autour de lui sans sembler s'en soucier, comme s'ils ne l'avaient même pas remarqué. Sa présence à cet endroit, avec sa face aplatie contre le bitume, paraissait pour tout le monde tellement naturelle que je l'ai moi-même ignorée au début. Puis, quelques mètres plus loin, je me suis ravisée. Je venais pourtant de voir quelque chose d'incroyable, mais le climat ambiant d'indifférence générale avait détourné mes pensées. Je me suis sentie mal. J'aurais dû réagir immédiatement, tout comme les autres passants auraient dû le faire en fait. Que se serait-il passé si ça avait été moi, là, inerte sur le trottoir ? M'aurait-on laissé crever sans essayer de me venir en aide ?

    Je me suis donc tout d'abord rapprochée de notre homme, et je me suis baissée pour constater ses maux. Un frisson parcouru mon échine. Il avait reçu une balle dans la jambe droite, laquelle baignait dans son sang. Il me vint alors de funestes pensées : qu'est-ce que cet homme pouvait bien faire dans la vie pour être confronté à de tels dangers ? Je préjugeai qu'il était sans nul doute un truand voire pire, un mafioso, et cela fit frémir de plus belle la personne innocente et banale que j'étais. Mais cet homme était évanoui et personne d'autre que moi n'osait lui porter assistance. J'ai donc mis mon appréhension de côté et pris son pouls. Dieu merci il était vivant; ma joie était immense, je ne saurais dire pourquoi car personne hormis moi ne s'en souciait, mais toujours est-il que je me sentais presque aussi heureuse qu'une mère apprenant que son enfant était sauvé. Avec le maximum de délicatesse et de tendresse possible, je l'ai retourné sur le dos, apercevant pour la première fois son visage. Il avait des traits épais, une tête presque carrée et la mâchoire ferme et virile. Des lunettes de soleil recouvraient ses yeux, de sorte que je n'en vu jamais la couleur, mais je me souviens de son teint mat et de ses cheveux ébènes taillés en brosse. En soit, il n'était pas vraiment beau. Ni vraiment laid. Juste un cliché de mafioso, tellement baraqué qu'on sentait ses muscles au travers de ses vêtements. Je le portai avec peine jusqu'à un banc, à l'écart de la circulation humaine de la rue, puis je courrai jusqu'à une cabine téléphonique, tâchant de garder en même temps un œil sur lui, histoire de m'assurer qu'il ne se réveillait pas entre temps ou que quelqu'un n'arrivait pas pour lui faire je ne sais quoi. Je composai le premier numéro d'urgence qui me venait à l'esprit, ne sachant pas trop s'il s'agirait de la police, des pompiers ou des urgences médicales. Au bout de quelques signaux sonores, quelqu'un décrocha enfin, et avant qu'il n'eut le temps de dire quoique ce soit, je bafouillai quelque chose d'obscure, cherchant à savoir quel était la profession de mon interlocuteur. C'était la police. Pas le bon numéro, mais tant pis. Je lui expliquai rapidement la situation, le priant de m'accorder son aide. L'homme à l'autre bout du combiné me dit quelques mots rassurants, et m'avertit qu'il allait m'envoyer quelqu'un. Je raccrochai puis me dirigeai vers le blessé. Il s'était déjà réveillé, et tentait de se lever. Je ne sais pas ce qui m'a pris à ce moment de lui dire :

    "Ne bougez pas monsieur, la police va arriver".

    Son visage se tordit d'un mélange d'effroi et de colère. "La police ? répéta-t-il, me dévisageant comme si j'étais folle ou possédée ou un peu des deux. "Vous avez appelé la police ?"

    - Oui, pour vous aider.... Enfin pas forcément la police, mais les pompiers, les urgences...

    - Il est hors de question que la police vienne ici.

    - Mais c'est trop tard... Restez, il ne vous feront rien, ne vous poseront aucune question, ils vont juste vous soigner, car si vous restez comme ça vous allez continuer à perdre du sang et...

    - Je pars". A ces mots, il se leva pour de vrai. Dans un geste désespéré, je me jetai sur lui pour l'immobiliser.

    "Non ne partez pas ! Je ne veux pas que vous mourriez !"

    A ce moment précis, je me mis à éprouver une peur sans nom, une peur effroyable qu'il lui arrive quelque chose de mauvais. Je ressentis à nouveau en moi cette impression d'être une mère craignant que son enfant ne se mette en danger. Je sentais son cœur battre sous le mien, et cette sensation me rassurait, car cela signifiait qu'il était vivant et qu'il était toujours là, sur ce banc, que j'avais pu l'empêcher de fuir. Je voulais à tout prix le retenir de partir, comme si ma vie entière en dépendait. Il me semblait que je n'étais née que dans ce but, celui de retenir cet homme, de lui permettre d'accéder à des secours. Mon existence ne se résumait finalement qu'à en sauver une autre. Je n'avais plus peur de son potentiel état de mafioso, il pouvait me tuer s'il le voulait, j'étais devenue sa chose, ma seule crainte était qu'il mette sa propre vie en danger. Je dédiais l'essence de mon être à cet être ni beau ni laid, à cet inconnu au passé obscur. Je sentis son corps remuer sous le mien; il essayait de partir. Alors soudain, sans réfléchir, dans un élan fiévreux de folie, désireuse de le garder sur ce banc en attendant l'arrivée de la police, mes mains encerclèrent sa tête et poussèrent son visage vers le mien. Quelle dut être sa surprise lorsqu'il sentit mes lèvres se presser contre les siennes, ma langue rentrer dans sa bouche et mes doigts caresser frénétiquement ses cheveux, ses tempes, son torse. Je ne sais pas ce qui m'a pris de faire ça alors que je n'avais aucune attirance pour lui, mais mon désir de le retenir était si fort que j'aurais pu faire n'importe quoi. J'ai d'ailleurs fait n'importe quoi, justement, et il faut croire que ça a marché, car dès lors il n'a plus bougé d'un pouce. Étrangement, il m'a carrément rendu mon baiser, acceptant ma langue en son sein et bougeant ses lèvres avec les miennes. Je me suis sentie un peu comme une prostituée, à utiliser mon corps pour venir à mes fins, mais je n'y songeai plus, je ne m'appartenais plus, je n'avais plus valeurs ni principes, juste un objectif qui justifiait tous les moyens, celui, bordel, de le garder collé à ce foutu banc. Mais ça n'a pas marché. Je l'ai pourtant laissé me toucher, m'embrasser dans le cou et j'en passe. Rien à faire. Il a quand même finit par vouloir partir, et il l'a fait. Il a baisé tendrement mes paupières puis m'a dit "Les flics vont venir, il faut que je parte". J'ai eu beau m'écrier que je ne voulais pas qu'il lui arrive du mal, que je ne désirais plus qu'une chose c'est qu'il vive, il s'est contenté de me sourire, un sourire teinté de tristesse et de résignation, l'air de dire "je suis plus fort que ça, je ne succomberai pas à ces blessures". Il s'est levé et je suis restée sur le banc, impuissante, avec l'impression que toute l'eau de mon corps se pressait au coin de mes yeux et voulait sortir, je le regardais fixement, je voulais me jeter sur lui pour l'immobiliser à terre mais je n'en avais même plus la force. Ne pars pas, voulais-je lui dire, ne pars pas, ne meurs pas !

    Il s'est tourné une dernière fois vers moi et m'a dit "Nous nous reverrons. Peu importe le temps que cela prendra, nous nous reverrons. C'est certain. Nous sommes destinés à nous revoir".

    Quelque chose me disait que nous allions effectivement nous revoir. J'ai fait confiance à ses paroles et l'ai laissé partir. Si nous devions nous revoir, cela signifiait qu'il n'allait pas mourir, et donc que tout allait bien.

    C'est fou comment en à peine cinq minutes, cet homme avait réussi à me rendre aussi accro à lui, aussi dépendante, lui qui n'était ni beau, ni laid, dont je ne savais absolument rien. Il aurait pu être gentil, il aurait pu être méchant, aucun des deux ou au contraire un mélange savant des deux, comment aurait-je pu le savoir ? Il était parti. Et à présent j'étais incapable de vivre sans lui, sans penser à lui. Ma vie allait se transformer en une attente, en une aspiration de mon corps au sien.

    Lorsque la police est arrivée, c'est une jeune fille seule et rêveuse qu'ils ont trouvée sur le banc, la chemise entrouverte et les cheveux ébouriffés.

     Février 2015

     

    Vénus sortant des flots

    (l'Aphrodite)

     

    Ma petite sœur – je ne sais depuis quand j'ai une petite sœur – a, semble-t-il, toujours adoré faire des massages. Mais les massages de ma sœur ne sont pas comme ceux que l'on a l'habitude de pratiquer ou de recevoir. Il s'agit de techniques d'une école spécialisée dans un type très particulier de massage (et dont j'ai oublié le nom, vous m'en excuserez), qui consiste à toucher des points cardinaux pour nous soulager de nos maux. Pour ce faire, ma sœur demande au patient de revêtir une robe spéciale à la douleur que l'on souhaite atténuer, ou au bien être que l'on souhaite acquérir (on ne demande pas toujours un massage parce qu'on a un problème!) comportant des points blancs en des endroits stratégiques. Elle relie ensuite ces points sur l'habit grâce à un stylet spécial, qui laisse au passage des traits blancs semblables à ceux que laisserait une craie blanche, et l'ensemble du passage du stylet sur le corps ainsi que le toucher des points cardinaux est supposé nous soigner ou du moins augmenter notre confort. Elle utilise parfois aussi cette technique directement sur la peau, et dans ce cas elle le fait par le biais d'un stylo bleu : elle me l'a fait une fois sur le visage, j'eus l'impression d'avoir des tatouages tribaux pendant une journée.

    Un jour, lorsque je me suis levée le matin, ma petite sœur est venue m'annoncer que notre grand-mère était venue chez nous pour un massage. Je ne me souvenais guère d'avoir une grand-mère, et encore moins une grand-mère aussi... épaisse. En effet, quand je suis allée dans le salon, ce n'est pas un être humain que j'ai vu, mais une espèce de monstre rond et gras dont la tête se fondait avec le corps, ridé comme pas deux, et pire encore, avec des iris et des pupilles blanches et le blanc de l’œil noir. Habituée aux choses extraordinaires (comme ce mafioso que j'avais sauvé peu de temps auparavant, ou cette gamine maigrichonne à la coupe au carré façon Dora l'exploratrice qui était apparue dans ma vie il y a quelques semaines et qui s'adressait à moi comme à sa sœur, tant et si bien que j'avais dû finir par l'accepter en tant que telle bien qu'elle me répugna), je ne fis pas de commentaire et me contentai de saluer cette chose, lui signifiant ainsi que je la reconnaissais éventuellement comme ma grand-mère. Elle s'installa lourdement sur notre pauvre canapé (je vous jure, elle devait faire trois fois ma taille en diamètre – oui, on parle bien de diamètre pour une boule) et revêtit la robe (ou plutôt le drap au vu de la taille) que ma détestable petite sœur lui avait confectionné, robe d'un vert mêlé de bleu et couvert de petits points blancs - pour le massage, comme je l'expliquai naguère. Elle s'empara docilement de son stylet et commença à relier les points. Je la regardai faire, mi-curieuse mi-blasée, échangeant parfois quelques mots avec elle et la vieille. J'avais envie de lui dire que ce qu'elle faisait était laid, n'avait aucun sens et ne servait à rien. On ne soulage pas les maux ainsi. Moi j'aurais bien aimé que ses dessins à la craie me permette de pallier au manque qui avait précédé le départ du mafioso dont je ne connaissais même pas le nom. J'aurais bien aimé que ses jolis dessins sur un tissu couvrant mon corps me fasse oublier ma solitude. Car c'était à la fois laid et beau, cette façon qu'elle avait de peindre nos corps, directement sur la peau ou à travers un vêtement. Ses mains étaient belles, à virevolter sur la chair. Mais elles étaient laides, ces deux là, à se prétendre de ma famille alors que je n'en avais plus depuis que j'avais changé de monde. Il n'y a rien de plus cruel que de profiter de la perte de repères de quelqu'un pour se prétendre son parent (évidemment qu'elles n'étaient pas de ma famille, je suis certaine de n'avoir jamais eu de sœur, mais comment le prouver ? Je n'avais personne à qui me raccrocher en arrivant ici, juste des souvenirs d'un frère, de parents aimants, et il semble même que j'étais mariée avec des enfants...).

    Elles se mirent à parler entre elles, je les écoutais, et cela me mit hors de moi. Devant moi, elles étaient en train de m'inventer une enfance, des parents que je n'avais pas, un caractère qui n'était pas le mien. J'ai attrapé la robe du monstre et je l'ai tirée, elle semblait épaisse mais devait en fait être fine, car elle s'est déchirée entre mes mains.

    « Tu es impure, souillée par la haine, c'est pour ça que le tissu s'est rompu ! Seule une personne au cœur pur peut la toucher sans dégât » me cria ma petite sœur.

    Impure, moi ? Tu t'es vue, connasse ? Et le monstre là, tu vas me dire qu'il est plus pur que moi ? Tu es folle, avec tes croyances primaires, ta superstition astrologique, à penser que relier des points blancs comme des étoiles dans une constellation pourrait enlever la douleur. Ma douleur à moi est plus forte que ça. Tellement puissante que tu ne l'as jamais remarquée. Tu ne m'as jamais demandé si j'allais bien, si j'allais mal, soit tu t'en fous, soit tu es trop bête ou indifférente pour remarquer que je souffre. Je n'ai jamais cessé de souffrir depuis que je suis dans ce monde. Ma douleur à moi est continuelle, rien ne saurait l'arrêter, ni toi ni ta sorcellerie, encore moins ma conscience propre.

    Et soudain quelque chose d'incroyable s'est produit devant nos yeux nos yeux ébahis, à ma sœur et moi. Non, en fait je crois que j'étais la seule à trouver ça étonnant, la frangine semblait ne rien y voir d'anormal. La vieille, à présent nue comme un ver, a rapetissé jusqu'à devenir toute petite, comme une poupée glauque (mais elle était encore ronde et grosse comme une boule d'un rond parfait, les rides à part), et elle a prétendu vouloir se faire un sauna. On a changé de lieu, d'espace, de pièce et de temps pour se retrouver dans un endroit qui m'était familier – la cuisine de l'appartement dans lequel j'ai passé mon enfance. Et sur une plaque chauffante au gaz, une casserole remplie d'eau bouillante lui fit office de sauna. Quel spectacle sordide que celui de cette vieille femme nue et monstrueuse formellement se prélassant dans ce fluide brûlant. Il me semble qu'elle chantait ce faisant, et que ses yeux prirent une tournure effrayante, il passèrent par le noir ponctué de blanc au centre puis devinrent blanc, très blancs, avec un cercle noir au milieu, juste un contour noir, chose qu'on ne trouve guère dans la nature. Une boule de graisse pâle cuisant dans de l'eau chaude. Puis elle fit apparaître un verre retourné au milieu de la casserole et monta dessus, comme sur un podium. Elle poussa un cri strident et écarta les bras, exposant son corps de ver luisant à la lumière, et me fixa droit dans les yeux. Le temps d'un instant, je cru apercevoir un coquillage ouvert sous ses pieds, comme dans le tableau de Boticelli. Cette vision, bien que repoussante au premier abord, était en fin de compte assez pittoresque.

    Le lendemain matin, grand-mère n'était plus là. J'ai essayé de redessiner cette scène dans le « sauna », mais rien à faire. Je n'ai pas réussi à saisir tout le grotesque de la situation. Mon dessin avait juste l'air monstrueux, alors que cette Vénus sortant des flots était bien plus que cela. Je ne sais pas si c'était parce que je n'avais pas pratiqué depuis longtemps ou parce que cette scène était trop puissante pour être décrite, que ce soit par le dessin ou l'écriture, mais je n'y suis pas parvenue.

    J'ignore si je reverrais un jour cette Aphrodite. Quelque chose me dit que non. Ce n'est pas très grave, c'est déjà un miracle d'avoir vu une déesse une fois dans sa vie, je ne vais pas exiger une deuxième fois.

    Qui a dit que Vénus devait être jeune et mince ?

    Février 2015

     

    Miaouss

    (le chat qui parle)

     

    J'ai rencontré un grand chat norvégien au pelage brun, dont le front était fiché d'une pièce. Comme Miaouss, le pokémon de la Team Rocket. Nous nous sommes tout de suite bien entendu. Ça m'a fait du bien, moi qui ne sait plus trop où j'en suis. Il parlait et avait beaucoup de répartie; il était bon vivant, comme on dit. Dès lors, il est devenu mon partenaire de vie, mon compagnon de lutte. Miaouss - son nom, tel que nous en avions convenu - était très cultivé. Il connaissait quelque chose sur tout. Nous avions beaucoup de points communs : nous apprécions les mêmes groupes de musique, lisaient les mêmes livres, nous gaussions des mêmes inepties. Très vite, nous sommes devenus inséparables. Je me sentais exister pour la première fois depuis longtemps. Avoir quelqu'un qui nous comprend, ne nous juge pas, nous apprécié pour ce que l'on est... Il n'y a rien, je crois, de plus précieux au monde.Je m'étais inscrite jadis dans un double cursus d'ingénierie et architecture. Pour diverses raisons, j'avais arrêté le cursus d'ingénierie et ne démarrait officiellement qu'en architecture. Mais j'avais souhaité continuer à pratiquer l'art des mathématiques, et demeurait présente à chaque interrogation, chaque contrôle, réalisait chaque exercice et apprenait chaque cours du cursus d'ingénierie. Seulement, cela n'était plus reconnu officiellement, je n'avais donc plus d'obligation quelconque concernant mes notes pour valider mes semestres, et n'aurais jamais de diplôme relatif à l'ingénierie. J'étais donc libre dans mon cursus, j'avais le droit à l'erreur, je ne faisais cela que par désir personnel de faire des mathématiques. Dans l'autre monde, celui auquel j'appartiens de base, ce n'est pas le cas. Mais dans ce monde nouveau, différent du moins, même si il possède ses inconvénients, j'étais en mesure d'assouvir mes projets personnels et mes désirs les plus profonds. Alors je le faisais. Sans procrastiner. Quelle délectation...Je fus alors, à un moment, confrontée à un problème mathématique. Il s'agissait d'un théorème réputé très compliqué dans le domaine des mathématiques. Il était illustré par des images de Corto Maltese et de Tintin dans un monde fait d'astronautes et de colonies extraterrestres. J'avais quelque mal à le comprendre. C'est alors que Miaouss, dans toute sa gentillesse et sa générosité, me guida, me donna la voie, en me disant... Souviens toi, nous avons révisé ensemble. Souviens toi de cette formule. Voici le début de sa démonstration... Souviens toi de la conclusion". Sans me donner la réponse directe, il m'orientait vers le cheminement qui allait m'amener à trouver moi-même mes réponses.

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  • Fiche du film

    Durée : 1'

    Date de sortie : Février 2016

    Genre : Comédie

    Synopsis : A. passe ses examens demain. Iel va donc se coucher de bonne heure. Mais c'était sans compter sur ses voisin.e.s que la notion de tapage nocturne ne semble pas déranger...

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  • Fiche du film

    Durée : 3'25''

    Date de sortie : Juin 2016

    Genre : Drame

    SynopsisIl y a un monstre dans le miroir parle de l'image de soi, de la manière dont nous nous percevons.

     

    Fiches personnages

    J'ai procédé auparavant à un vote auprès de mes proches pour déterminer quel personnage serait protagoniste de ce dessin animé; Shana l'a remporté.

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