Je faisais des recherches sur les différentes mises en scène de Lorenzaccio (ma pièce préférée à ce jour), et je suis tombée par hasard sur un site de critique où il était question de Pierre et Jean au théâtre... Pierre et Jean ? Oui, Pierre et Jean, ma nouvelle (dont la longueur s'apparenterait plus à un roman) préférée de Maupassant, et ma nouvelle préférée tout court ! (avec Le Silence de la Mer, ex-aequo) Mon coeur allait lâcher. Pierre et Jean sur scène, Pierre et Jean vivants, Pierre et Jean au théâtre. Je regarde quelques photos: putain, en plus les acteurs ressemblent exactment à ce que je m'imaginais des personnages (oui, j'ai eu envie de me pendre quand j'ai vu un Bel-Ami sans moustache, joué par ce c** de Pattinson. C'est toujours mieux quand ils sont ressemblants). Bref, j'embarque un pote, pour ne pas dire je l'enrôle de force, et direction le théâtre du Lucernaire ! (avec 2min de retard, en se pétant la gueule dans le noir en entrant dans la salle, on a fait ce qu'on pouvait, on a couru, on est crevés, tout le monde nous entend tous essouflés...) La critique peut commencer !

Durée : 1h15

Metteuse en scène : Vica Zagreba

L'histoire:

Pierre et Jean est une (longue) nouvelle de Maupassant parue en 1888. Je conseille fortement de la lire, ce livre est un chef d'oeuvre. Il est axé sur le réalisme et la psychologie (comme la plupart des oeuvres de Maupass'), où l'on suit l'histoire de deux frères, Pierre et Jean, un brun et un blond, un médecin et un avocat, un pauvre et un riche. Pourquoi riche ? A la mort d'un ami de la famille, Jean hérite d'un grand héritage (20 mille francs de rente, sachant qu'un bock de bière coûte deux francs, faites vous une idée...) ce qui, bien entendu, suscite la jalousie de Pierre, qui à dire vrai était déjà jaloux depuis longtemps de son "petit frère tellement parfait". Mais bientôt, il découvre une réalité qu'il ne soupçonnait pas, et qui va précipiter ses relations familiales dans un abîme sans nom.

Genre : drame, psychologie

La critique:

Que dire. Que dire quand tant d'émotions m'assaillent. Bon : imaginez-vous dans une salle, sans être vraiment dans une salle. Devant des acteurs, des gens, des personnes, des êtres humains, oui, oui, mais qui semblent être sur scène sans l'être vraiment. Oui vraiment, des fois j'avais du mal à réaliser que j'étais devant de vraies personnes. Je me serais dit au cinéma, ou devant un songe, un rêve, comme si on avait ressuscité Maupassant, et qu'on était tous là à l'écouter nous raconter une histoire et à s'imaginer les personnages prenant vie. C'était tellement irréel, tellement magique. Tellement bien joué, la musique était si extraordinaire, les vêtements bien conformes à ceux d'époque (costumière : Laurence Barres), l'éclairage si bien maîtrisé (éclairagiste : Jérémy Riou), que je n'avais pas l'impression d'être là, dans cette salle d'un théâtre parisien que je découvrais pour la première fois, mais bel et bien au Havre, spectatrice muette d'un drame irrésolu. L'ensemble musique + lumière + discours + jeu d'acteur + décor + mise en scène + costume + tout faisait parfois des atmosphères troublantes, des fois même j'ai cru distinguer quelques pas de danse (dans les passages "psychologiques") : oui, j'ai fait 6 ans de danse contemporaine même si ça ne se voit absolument pas, et oui, je vois de la danse ailleurs que dans des tutus. La danse, c'est l'art de faire des gestes gracieux. Pour moi en tout cas.

Allez, quitte à paraître cucul: j'avais envie de faire un gros câlin au Pierre du livre, il en fut de même pour le Pierre de la pièce (il est si triste, si perturbé ce personnage, qui n'a pas envie de le consoler ?); j'avais envie de frapper la Rosémilly fictive, pareille pour celle de chair et d'os (mais j'ai bien aimé l'actrice, elle excellait dans ses deux rôles), Jérôme m'a fait encore plus rire dans la pièce que dans le bouquin, et j'ai eu de la pitié pour la Louise en 3D que je n'ai pas eu (ou moins) pour celle du bouquin : je la trouvais antipathique, à s'en prendre à son fils comme s'il était un étranger, à le blesser par ses distinctions pour Jean, avec sa manie de ne rien comprendre aux tourments de son fils.

Ce qui est beau avec cette histoire, c'est qu'on peut la retransposer à beaucoup de drames familiaux. Et même à toutes les disputes qui font plus souffrir que sourire (oui, c'est drôle des fois les disputes). Donc je m'y suis reconnue, et beaucoup d'autres gens certainement s'y reconnaissent. Je me suis sentie tellement proche de Pierre, quand je lisais la nouvelle, il y a maintenant plus d'un an, c'est fou !

Bon, je sais, quand j'aime trop quelque chose j'ai du mal à dire des choses intelligentes. Quand je déteste quelque chose aussi. Les extrêmes.

Sinon, j'ai vu cette pièce avec Guillaume Bienvenu (j'ai appris que ça changeait toutes les 2 semaines, ou quelque chose comme ça) dans le rôle de Pierre. Excellent, comme tous les acteurs.

Bref, voici la bande-annonce:

Conclusion :

Toi. Oui, toi. Va voir cette pièce. Ou sinon lit au moins la nouvelle. Et si c'est fait, dis moi ce que tu en penses. Je suis sûre qu'on sera du même avis, parce que mon avis est celui du pote avec qui j'y suis allée, et de toutes les critiques que j'ai pu lire sur le net. (ouais, c'est comme ça, l'Humanité ne fait qu'une)

PS : aujourd'hui, l'Humanité (le seul journal auquel j'ai été abonnée de toute ma vie) a sorti un article dessus, deux jours après que je sois allée le voir... Bon, à part qu'il a confondu Pierre et Jean, Guy Flattot, (quelque chose que je pardonne difficilement - blague à part), c'est une belle pièce (d'article ! hohoho mon humour...) :